Blog Actu de la bière Pourquoi faut-il arrêter de classer les bières par couleur
Pourquoi faut-il arrêter de classer les bières par couleur

Pourquoi faut-il arrêter de classer les bières par couleur

“Patron, un demi de blonde !” Saviez-vous qu’il n’y a quasiment qu’en France qu’on peut entendre cette phrase dans un bar ? Alors que les Anglais commandent une “ale”, les Tchèques une “pils” et les Américains le dernier style à la mode (tournée de “sour” !), l’Hexagone reste accroché à ses sacro-saintes couleurs. Deux bières peuvent pourtant avoir un aspect similaire, mais des goûts radicalement différents. Le Petit Ballon vous fait traverser l’arc-en-ciel brassicole.

 

D’où vient la couleur des bières ?

 

Si vous avez lu notre article sur le sujet, vous savez désormais comment la bière est fabriquée. Si vous ne l’avez pas fait, on ne vous juge pas, mais sachez tout de même qu’il est sacrément intéressant - en toute modestie bien sûr. Et pour celles et ceux qui n’ont vraiment pas le temps, voici un petit résumé (mais vous promettez d’aller le lire plus tard, hein ?).


Pour faire une bière, il faut au minimum ces quatre ingrédients (sinon, légalement, ce n’est pas de la bière) : de l’eau, des céréales maltées, du houblon et des levures. Ce qui nous intéresse aujourd’hui, ce sont les céréales, de l’orge principalement, souvent de l’avoine et/ou du blé, parfois d’autres grains plus exotiques. Pour remplir leur rôle lors du brassage, ces céréales doivent être maltées, c’est-à-dire qu’on déclenche le processus de germination afin d’activer les enzymes nécessaires à la transformation de l’amidon en sucres, sucres qui nourriront les levures pour créer alcool et CO2 (les bulles de la bière). La dernière étape du maltage consiste à chauffer les grains pour les sécher, stopper la germination, les transporter et les stocker jusqu’au brassage : c’est le touraillage.


Le malteur (ou la malteuse, c’est le nom du métier !) peut alors choisir de stopper le touraillage lorsque la céréale est juste sèche et de couleur claire, ou bien de prolonger l’opération pour la colorer. Il existe donc tout un camaïeu de malts, du beige clair jusqu’au noir, avec des noms sympas tels que pilsen, cara crystal ou chocolat. C’est cette diversité de grains qui donnera à la bière sa couleur, ainsi qu’une partie de ses arômes. Certaines céréales sont même cuites avant le touraillage pour “caraméliser” les sucres qu’elles contiennent ; elles entrent notamment dans la composition des bières ambrées, et leur donnent un petit côté sucré. Miam.

 

En voir de toutes les couleurs

 

Bon, après ce petit pavé technique, passons à la dégustation (vous savez, celle qui se fait toujours avec notre ami modération). Quand vous commandez “une blonde” dans un bar, à quoi vous attendez-vous ? À une bière légère en alcool et peu aromatique ? À une belge typique, avec son côté fruité et épicé ? Quid de l’amertume, plus ou moins forte ? Posez maintenant la question à votre collègue d’afterwork. Sa réponse sera peut-être bien différente de la vôtre.


Est-ce la culture vinicole si riche de notre pays qui nous a poussé à raisonner en terme de couleurs ? Une mauvaise connaissance du produit bière ? Le marketing de l’industrie brassicole ? Difficile de le dire avec certitude. Une seule chose est certaine : oui, deux bières peuvent avoir la même couleur mais des goûts très différents. Encore plus fou : deux bières peuvent avoir des goûts similaires mais des couleurs radicalement opposées ! C’est même devenu un jeu pour les brasseries artisanales, qui créent des styles destinés à brouiller les sens, tels que les white stouts : des bières à la jolie couleur paille, mais au goût puissant de café !


Nous disions un peu plus tôt que les céréales maltées donnaient à la bière sa couleur et une partie de ses arômes. En effet, les autres ingrédients - houblon, levures et même l’eau - influent eux aussi sur l’aromatique finale de votre demi. Le houblon, en plus d’apporter l’amertume, peut donner des arômes fleuris, fruités ou encore végétaux à la bière. Le type de levure n’impacte en rien la couleur mais peut faire passer votre boisson de ronde et sucrée à sèche et épicée.

 

Par quoi remplacer les couleurs ?

 

Vaste question (ça vous aide, hein ?). Contrairement à beaucoup d’alcools dont l’appellation est conditionnée au respect d’un cahier des charges, il n’existe aujourd’hui encore pas de classification harmonisée des bières. Pour le dire autrement : une brasserie peut écrire ce qu’elle veut, blonde, ambrée ou encore IPA, sur l’étiquette, et mettre n’importe quelle bière dans la bouteille. Quelques Indications Géographiques Protégées existent en Europe, mais elles ne réglementent que des lieux et techniques de brassage, pas le profil du produit fini.


Il faut se tourner vers les organisateurs de concours de bières pour trouver des tentatives de classification. Il ne serait en effet pas juste de juger deux bières radicalement différentes, tout comme il serait difficile de comparer deux bières sans critères précis pour les départager. Beaucoup de concours ont leurs propres catégories, mais il existe aux États-Unis une organisation qui fait un important travail de catégorisation et de classification de la bière en styles : le Beer Judge Certification Program (ou BJCP pour les intimes). En plus de faciliter les concours, les styles ont l’avantage de poser des repères pour les consommateurs, qui savent à quoi s’attendre en achetant, par exemple, une American Pale Ale (“une bière de fermentation haute, de couleur claire, rafraîchissante et houblonnée, mais assez maltée pour rester équilibrée et buvable”).


L’inconvénient majeur de ce système cependant, c’est qu’il met par définition un frein à la créativité des brasseurs et brasseuses. Si l’on veut créer une bière qui n’est pas référencée, comment la proposer aux clients ou à un concours ? Le brassage artisanal a ceci de magique qu’il ne se pose pas de barrières et n’est pas limité par des appellations : vive les bières aux ingrédients exotiques et aux goûts inattendus (c’était notre instant poétique) !


Maintenant que vous êtes au point sur la couleur des bières, pas de stress pour autant. Personne ne vous en voudra si pour aller plus vite vous continuez à commander “une blanche” au comptoir (d’autant plus que certains styles portent les noms “blonde” ou “blanche” - sinon c’était trop simple). Assurez-vous juste d’être sur la même longueur d’ondes que le ou la barmaid, ou vous risquez de vous retrouver un jour avec un verre de Gose : une bière allemande, certes blanche, mais acide et salée avec ajout de graines de coriandre !

 

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