
On a testé pour vous : être juge dans un concours de bières
Le Salon international de l’agriculture, grand-messe du savoir-faire agricole français, se tenait en cette fin de février. Parmi les temps forts du salon, le Concours général agricole vise à récompenser les produits les plus qualitatifs de l’Hexagone et ce, dans un grand nombre de catégories. Le Petit Ballon a testé l’expérience de juge dans la catégorie des bières, on vous raconte tout !
Bienvenue au Concours général agricole
Le temps est frais mais dégagé en ce lundi de février, alors que nous rejoignons le parc des expositions de la porte de Versailles, à Paris. Le rendez-vous est donné à 10h heures pile, et même si le Salon international de l’agriculture (ou SIA pour les intimes) est ouvert depuis à peine une heure, il faut déjà braver la foule pour rejoindre l’entrée réservée au jury du Concours général agricole - petits veinards que nous sommes, il ne nous en faut pas plus pour nous sentir d’un coup très importants parmi tous ces visiteurs.
Le Concours général agricole (ou CGA pour les encore plus intimes) ? Oh, rien que le plus grand concours visant à récompenser la production et valoriser le savoir-faire agricole de notre pays. Chaque année, ce ne sont pas moins de 20 000 produits qui sont goûtés à l’aveugle par une armée de juges dans le but de dénicher les pépites méritant la fameuse feuille de chêne (le symbole officiel des médailles). Le concours se divise en cinq catégories, dont les animaux, les vins (France oblige, ceux-ci ont en effet leur propre catégorie !) et les produits, dont font partie les bières que nous sommes venus départager aujourd’hui.
Après avoir montré patte plus blanche que celles de Oupette, la vache Limousine égérie de cette édition du SIA, nous pénétrons dans le pavillon 7 où se déroulent les dégustations du Concours. Ici aussi, il y a foule : environ 400 jurés rien que pour cette épreuve des bières, professionnels comme amateurs (sur 8000 pour l’ensemble des catégories). Contrairement à d’autres concours, il n’est en effet pas nécessaire d’être un expert du produit pour pouvoir le juger. Nous avons simplement rempli un dossier d’inscription sur le site du CGA, démontrant notre intérêt pour la bière, afin d’être sélectionnés par l’organisation. Pour celles et ceux qui souhaitaient progresser en dégustation avant le grand jour, des sessions de formation étaient organisées ces dernières semaines. Le nombre limité de places en a néanmoins frustré plus d’un…
La valse des verres
Trêve de bavardages, il est l’heure de rejoindre nos tables, prévues pour 6 jurés et sur lesquelles trône déjà le matériel nécessaire à la dégustation : stylos, crachoirs, eau et pain blanc pour nettoyer notre palais entre les échantillons. Autour de notre table, aucun autre professionnel de la bière, mais on sent néanmoins que tout le monde a à coeur de faire son boulot le mieux possible, pour respecter le travail des brasseries mais surtout, les consommateurs qui font confiance aux médailles. Exactement le discours tenu par Olivier Alleman, commissaire général du CGA, en introduction de la session. Il nous rappelle également quelques règles : maximum 30 % de médailles (avec la possibilité de ne pas en mettre du tout), et l’importance d’être lisibles et exhaustifs dans nos commentaires, car un retour sera fait aux brasseries. Pas de doute, nous sommes bien là pour boire des bières, car on commence à sentir un petit peu de pression…
Top départ ! Un défilé d’étudiants d’AgroParisTech vient poser les premiers verres (affublés d’un numéro pour respecter la dégustation à l’aveugle) devant nous, et il est désormais temps d’évaluer couleur, mousse, arômes et autres longueurs en bouche. Un descriptif simple des caractéristiques attendues et prohibées pour la catégorie de bières que nous jugeons nous a été fourni, mais l’exercice reste compliqué : celle-ci est bonne, mais n’est-elle pas trop foncée ? l’aromatique de levure est-elle correcte ou trop légère ? En tant qu’expert habitué à traquer le moindre défaut, on se sent vite dérouté face à une boisson excellente mais aux arômes d’agrumes non attendus. Et puis il ne faut pas trop prendre son temps, car nous avons 10 échantillons à goûter et le service s’enchaîne.
Et malheureusement, la tâche nous est rendue facile pour une bonne partie des références dégustées : les défauts sont très présents et la buvabilité plus que moyenne. Quand on sait que le prix à débourser pour présenter un échantillon est de minimum 160 € cette année (en tarif réduit pour les petites brasseries), on ne peut qu’être étonné. Notre table compile donc ses commentaires qui, espérons-le, aideront ces brasseries à améliorer leur produit et décrocher dans le futur une des trois médailles que nous décidons de décerner cette fois-ci.
Que valent vraiment les médailles ?
Si vous êtes bons en maths, vous avez probablement fait le même calcul que nous : 400 jurés répartis par tables de 6, chacune décernant jusqu’à 3 médailles… Ça fait beaucoup de médailles ! Et c’est un reproche qui est beaucoup fait ces dernières années aux concours de ce type, et au CGA en particulier. Récompenses achetées plutôt qu’obtenues, “distribution de médailles” dans le but de donner envie aux producteurs de s’inscrire et donc de gagner plus d’argent, manque de professionnalisme du jury… D’autres concours, uniquement professionnels et aux conditions d’attribution plus strictes, sont d’ailleurs nés pour répondre à ces critiques.
Pour nos voisins de table, dont plusieurs n’en sont pas à leur première année ni à leur seule catégorie de produit dégusté, la question ne se pose pas vraiment : si le produit est bon et sans défauts, le consommateur en aura pour son argent. Le nombre total de médailles décernées (près de 200 pour les bières de cette édition 2025) est-il alors vraiment important ? En décortiquant le palmarès, on remarque d’ailleurs que les brasseries primées le sont souvent pour plusieurs références et plusieurs années de suite. Alors oui, il faut avoir les moyens de se présenter. Mais cela rappelle également que quand on sait faire une bonne bière, on sait faire plein d’autres bonnes bières. Et pour un jury d’amateurs du produit, pros ou non, c’est finalement assez facile à repérer.
Il est désormais temps pour nous de rendre nos copies, de quitter nos tables (on l’avoue, en embarquant le joli stylo siglé “Concours général agricole” - l’amateur de bières aime les goodies, sachez-le) et d’aller déguster un déjeuner bien mérité. Et même si l’exercice aura duré près de trois heures, il ne nous empêchera pas d’aller découvrir encore plein d’autres bières dans les allées du Salon. Vivement l’année prochaine !
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Article rédigé par Hélène et les Houblons, envoyée spéciale pour le Petit Ballon au Concours général agricole.