Quelques questions à Michel Rolland, œnologue de renommée mondiale

 
Introduction de Jean-Michel Deluc :

Je ne connais pas personnellement Michel Rolland, mais il est devenu un personnage incontournable lorsqu’on déguste principalement des grands vins de Bordeaux. Si on vous parle de Clinet, Le Pin, Le Bon Pasteur, Nénin, Angélus, Ausone, Troplong Mondot, Destieux, Beau-Séjour Bécot, Lascombe, Pontet-Canet... vous avez tout compris. Il a permis à de nombreux châteaux, domaines et propriétés dans le monde de se hisser au plus haut niveau. Ses succès font qu’il peut être détesté, voire contesté, comme dans le film de Jonathan Nossiter, Mondovino, mais les critiques déclenchent son sourire. Le chien aboie, les bouteilles passent... 

Pour vous, quelle doit être la première qualité d’un vin ?

La première qualité d’un vin est de me faire plaisir au moment où je le déguste, aussi bien lors d’un casse-croûte à 7 h du matin que dans des dégustations beaucoup plus sophistiquées.

Y a-t-il réellement un style Michel Rolland en matière de vin ?

C’est une immense frustration, nous avons souvent fait des dégustations à l’aveugle avec de très bons dégustateurs. Jamais aucun jury n’a réussi à isoler les vins que je fais (les miens) ou que je conseille.
Quand on est vraiment honnête en dégustation, on s’aperçoit vite que ce n’est pas une science exacte.

Quels terroir ou vignoble vous ont apporté le plus de satisfaction en retour ?

Quand la décision de créer Clos de Los Siete en Argentine a été prise, la terre était vierge et n’avait pas d’histoire. Les résultats 15 ans après sont impressionnants. Et si un jour nous pouvions valoriser les produits, notre marge de progression serait énorme. C’est un des grands bonheurs de la vie professionnelle.

Peut-on encore techniquement améliorer la qualité des vins ?

Il y a des marges de manœuvre considérables dans l’amélioration des vins.
Mais le marché n’est pas prêt, je crois au contraire que nous avons mangé notre pain blanc et que nous verrons la qualité régresser. Le tout à bas prix, et de moins cher en moins cher, a ses limites que l’économie de la plupart des domaines viticoles ne supporte pas.

Peut-on élaborer un très grand vin sans terroir ?

C’est une question-fleuve... On peut dire que les vins sont le reflet de leur terroir, car la combinaison sol/climat/plante est à elle seule la définition du mot terroir.
Par contre, il ne faut pas confondre grand vin et bon vin. Ne jamais oublier que l’on peut faire de bons vins à peu près partout, mais on peut aussi faire de mauvais vins sur ce que l’on a coutume d’appeler des grands terroirs.
Alors, essayons de juger des grands vins à l’aveugle sur leur valeur et non sur la marque.
Essayez honnêtement et vous verrez que les grands terroirs sont comme nous, ils ont leurs faiblesses.

Quel est votre meilleur souvenir de dégustation ?

Les 27 bouteilles de 1947 dégustées avec mon ami Jean-Michel Arcaute pour nos 50 ans.

Y a-t-il en France un vignoble qui n’a pas encore révélé son potentiel ?

Je crois que tous les vignobles peuvent s’améliorer. Mais beaucoup d’entre eux ont produit de magnifiques bouteilles. D’autres peuvent en produire, mais ne sont pas reconnus. C’est une question très complexe qui n’a pas forcément de réponse.

Quel est votre vin préféré ?

Je suis de Pomerol, et le goût de merlot est un de ceux que j’aime. Mais professionnellement, je m’adapte très bien et je goûte avec plaisir énormément de vins très différents.

Y a-t-il un vin que vous détestez ?

J’ai la chance d’être assez bien informé pour les éviter... 

Le Petit Ballon, c’est chaque mois :
  • 2 bouteilles de vin finement sélectionnées par notre Chef Sommelier
  • Des conseils et astuces pour tout savoir sur les vins
  • Découvrez de nouveaux vins tous les mois
Je m’abonne